Optimisation des documents juridiques : la nouvelle tendance du legal design.

Temps de lecture : 3’30

personnes travaillant en équipe

Avez-vous déjà coché la case « j’ai lu et j’accepte les conditions générales de vente » sans en avoir lu ne serait-ce que le premier paragraphe ?
Vous êtes-vous déjà senti maladroit ou désarmé au moment de remplir un formulaire administratif jargonneux ?
Les juristes prennent progressivement conscience de l’écart qui existe entre leurs productions (contrats, consultations juridiques) et la manière dont celles-ci sont perçues par les clients, usagers, salariés, citoyens ou apprenants.

L’arrivée du legal design semble pouvoir combler cet écart et constituer une voie pour optimiser démarches administratives et documents juridiques.

Des démarches administratives plus accessibles

Depuis quelques années, des entreprises, mais aussi l’État et les collectivités territoriales, font d’importants efforts pour rendre le droit plus accessible.
L’État est engagé dans une démarche de dématérialisation des services publics. Ce qui l’oblige à repenser les démarches administratives sous l’angle de leur accessibilité au plus grand nombre.

Exemple d'avant-après :
Avant : doivent être joints à votre demande les éléments permettant d'apprécier sa recevabilité, notamment un avis d'imposition et d'autre part, une attestation de paiement de la CAF.
Après : quels documents devez-vous joindre à ce formulaire ?
Vous devez joindre : un avis d'imposition et une attestation de paiement de la CAF.
Source : site services publics +
https://www.plus.transformation.gouv.fr/

Dans cet exemple de simplification d’un document administratif, la formulation a été repensée afin d’être plus claire et plus concise :
● formulation sous forme de question (« quels documents devez-vous joindre… ») ;
● suppression des mots non indispensables ;
● utilisation d’une liste à puce pour lister les éléments à joindre au formulaire.

Des expériences juridiques plus fluides

Du côté des entreprises, la loi exige de certains acteurs (assureurs, banquiers) qu’ils mettent à disposition de leurs clients des documents juridiques normalisés.

D’autres acteurs se sont engagés dans la refonte de leurs documents et services juridiques pour des raisons tenant à leurs valeurs ou à leurs stratégies.

Des documents juridiques normalisés

Depuis le 1er octobre 2018, lorsque vous souscrivez un produit d’assurance auto, habitation ou une complémentaire santé, l’assureur doit obligatoirement vous remettre un document standardisé contenant des informations clés relatives aux principales garanties du contrat, dans un langage simple sans « jargon ».

L’objectif est de vous permettre de mieux comprendre le produit et de le comparer plus facilement à d’autres.

Le document ne remplace pas les conditions générales et les conditions particulières, personnalisées, du contrat d’assurance. Mais il est bien plus facile d’accès :

Le document normalisé d'assurance comprend 5 encarts. Dans chaque encart, il y a une icône et un titre en gras formulé sous forme de question :
Où suis-je couvert ? Quelles sont mes obligations ? Quand et comment effectuer le paiement ? Quand commence la couverture et quand prend-elle fin ? Comment puis-je résilier mon contrat ?
Extrait d’un document d’information normalisé sur un produit d’assurance.
Modèle disponible dans le règlement d’exécution (UE) 2017/1469 de la Commission européenne, 11 août 2017.

L’expérience client au coeur de la stratégie de certains acteurs

Certaines entreprises ont pour souhait de rendre l’expérience client la plus agréable possible et ce y compris sur la partie contractuelle.

Prenons un exemple : vous naviguez sur un service en ligne. Le design est épuré, le ton agréable. Mais au moment de prendre connaissance du contrat, le style change radicalement. Un pavé textuel s’abat sur vous. L’impression de simplicité et de fluidité disparaît. Vous vous retrouvez seul devant un texte long et difficile à comprendre. Vous cliquez au plus vite la case « j’ai lu et j’ai compris » mais avec la désagréable impression d’avoir signé quelque chose contre vous.Pinterest, le site web américain de réseautage et de partage de photographies, a inscrit ses « règles et consignes » dans l’univers visuel de sa marque.
Puis il a ensuite revu le contenu de ces différentes règles sous l’angle du legal design. Si vous allez consulter le site, vous remarquerez la présence de :
● mise en page épurée
● ton chaleureux
● encart résumant les articles
● table des matières fixe et cliquable :

Dans la page intitulée "règles et consignes" de Pinterest, il y a 10 rectangles colorés cliquables permettant chacun d'accéder aux conditions d'utilisation, à la politique de confidentialité, aux règles en matière de droit d'auteur, de droit des marques etc. Les couleurs utilisées sont douces.
Sommaire des règles et consignes de Pinterest
https://www.pinterest.fr/

D’autres acteurs se sont engagés dans une démarche similaire afin de
● restaurer la confiance avec les clients,
● être plus transparents,
● simplifier la vie du lecteur, lui faire gagner du temps
● être plus pédagogue
● être plus utile
● construire une relation plus saine et équilibrée
● répondre à l’aspiration à plus de clarté et d’éthique.

La promesse du legal design ?

Aider les utilisateurs à s’approprier des notions juridiques complexes et
à faire des choix éclairés.

Le legal design diminue l’effort cognitif nécessaire pour appréhender et se saisir d’une information juridique souvent complexe.
Comment faire ?
● s’appuyer sur une connaissance fine des besoins des utilisateurs (enquêtes, entretiens)
● donner une idée globale de l’information avant d’entrer dans les détails
● éliminer le jargon et les tournures passives
● inscrire le conseil juridique dans un contexte concret. Aider le passage à l’action
(remplir un formulaire, réaliser une démarche auprès d’un tribunal…)
● rendre l’information plus visuelle (car la vue l’emporte sur tous les autres sens)
● tester le document auprès d’un panel d’utilisateurs.

En conclusion…

Un nouveau métier est né : celui de legal designer. Son objectif ? Rendre le droit plus clair en s’appuyant sur des équipes pluridisciplinaires capables d’apporter :
● expertise juridique
● centrage utilisateur
● art graphique.

Juristes et designers doivent désormais apprendre à se connaître davantage afin de créer ensemble des documents et des services juridiques fluides, ergonomiques, au plus près des besoins des utilisateurs.

Cela n’est pas évident tant les cultures professionnelles de ces deux mondes sont différentes.

Pour les designers, les juristes sont des êtres très formels qui se vouvoient, s’appellent « Maîtres » et peuvent passer des heures à argumenter sur la présence ou l’absence d’une virgule à tel endroit du texte.

Pour les juristes, les designers sont des êtres un peu inquiétants : capables de supprimer d’un trait de crayon des éléments contractuels primordiaux au motif que cela est ennuyeux à lire !

Mais c’est bien de ce choc de cultures professionnelles que devraient naître les services juridiques de demain.

Ceux-ci seront, nous l’espérons, complets, pédagogiques, rigoureux. Mais aussi chaleureux, agréables et tenant compte de nos préférences cognitives.
Rêvons à demain !

Pour aller plus loin…

Découvrez nos formations en legal design : 

Des contrats en langage clair plus humains

Quels sont les bénéfices de l’utilisation du langage juridique clair dans les Conditions Générales d’Utilisation ?

Paul Campillo est directeur Marketing & Communication chez Typeform, une société barcelonnaise spécialisée dans la création de formulaires, de sondages et de quiz personnalisés.

Sous son impulsion, Typeform a revu l’intégralité de ses Conditions Générales d’Utilisation sous l’angle du langage clair : https://admin.typeform.com/to/dwk6gt/

Découvrez-pourquoi dans cette interview-vidéo réalisée par l’agence Legal by Design :

Dans cette interview-vidéo, Paul raconte son expérience du système judiciaire en tant que travailleur social aux Etats-Unis et souligne l’importance d’améliorer l’accès à la justice.

Il nous parle également d’innovation et du fait qu’elle n’est pas réservée aux seuls rêveurs et idéalistes.

Sommaire de l’interview :
  • Pouvez-vous nous présenter Typeform, l’entreprise dans laquelle vous travaillez ?
  • Avant d’être directeur Marketing et Communication @Typeform, vous avez été travailleur social et avez découvert le système judiciaire dans ce cadre. (07:09)
  • Vous avez interviewé Margaret Hagan en avril 2016 et évoqué l’expérience de l’usager du système judiciaire. (09:06)
  • Chez Typeform, qui a eu l’idée de rédiger les contrats en langage clair ? (14:32)
Chez Typeform, qui a eu l’idée de rédiger les contrats en langage clair ?

” C’était soit moi, soit… Honnêtement, je ne m’en souviens pas. Je me souviens juste que nous étions tous d’accord pour le faire et que c’était important pour nous. Et, vous savez, c’est vraiment simple. Nous avons désigné un rédacteur qui, avant tout, comprenait notre philosophie. Le rédacteur et le service juridique se sont coordonnés pour s’assurer qu’ils disaient la même chose. Mais, d’une manière très humaine.

Cela a fini par être un point de contact agréable pour nous. Peu de gens lisent les conditions de services. Mais ceux qui les lisent ont envoyé des tweets, des emails. Je sais que nous avons été mentionnés dans les médias sociaux comme ayant des conditions de service plus humaines.

Et, vous savez, je pense que les gens étaient juste en train de penser à la façon dont ils doivent faire la même chose dans leur propre entreprise.

Il y a eu beaucoup de bonnes réactions positives.

Nous ne l’avons pas fait pour cela, nous l’avons fait parce que, vous savez, nous nous soucions de ces choses. Nous nous soucions de donner aux gens une meilleure expérience et d’améliorer cette expérience. Elle peut toujours être améliorée. Et puis, comme vous le savez, en marketing de marque, vous avez tendance à regarder l’ensemble du parcours, pas seulement le parcours du client, mais aussi celui de l’employé.

Selon moi, toutes ces choses ont de l’importance, tout est comme cumulé pour créer le type de marque pour laquelle vous voulez être connu.

Et je pense en fin de compte, c’est ce que nous voulons défendre. Et nous voulons influencer d’autres entreprises et d’autres organisations et d’autres institutions pour qu’elles pensent de cette manière. En fin de compte, il s’agit des gens et de faire en sorte qu’ils se sentent mieux après nous avoir connu qu’avant de nous avoir connu”.

Le legal design au service des CGU de la néobanque Shine

Temps de lecture : 3’30

Shine utilise le legal design pour rendre ses conditions générales d’utilisation (CGU) plus claires et plus transparentes.

Entretien avec Estelle Zeliszewski, Content Manager chez Shine

Estelle Zeliszewski est Content Manager chez Shine, la néo banque qui propose ses services aux indépendants et aux entrepreneurs.
Elle nous explique pourquoi et comment Shine a revu ses conditions générales d’utilisation (CGU) sous l’angle du legal design.

Marie-Agnès : Bonjour Estelle ! Peux-tu nous présenter Shine ?

Estelle : Aujourd’hui, Shine, c’est un compte pro en ligne très simple qui permet aux indépendants et aux petites entreprises de gérer leur activité depuis leur smartphone et qui offre aussi un accompagnement administratif très profond. 
A l’origine Shine devait être un copilote administratif. La société a ensuite construit à partir de zéro un service bancaire en se basant sur les besoins de ses clients. 
C’est donc réellement dans l’ADN de Shine de simplifier le quotidien de ses clients afin de leur permettre de se concentrer sur leur cœur de métier.
Les démarches administratives, les cotisations, les impôts, tout cela n’est pas toujours très clair pour les indépendants. Et l’information disponible en ligne n’est pas toujours fiable ou facile à comprendre.
Shine propose du contenu très qualitatif, complet et à jour pour aider les entrepreneurs à naviguer dans la complexité des démarches à accomplir. Pour le ton d’écriture : c’est comme si on parlait à des amis.

Marie-Agnès : Comment est venue l’idée de proposer des Conditions Générales d’Utilisation plus claires ? De quelle manière as-tu mené ce projet chez Shine ?

Estelle : L’un des cofondateurs, Nicolas Reboud a dit un jour : “avec les Conditions Générales d’Utilisation (CGU), on a toujours l’impression de signer quelque chose contre soi”. Qui sait ce qui se cache derrière des CGU incompréhensibles ? Essayons d’améliorer cela pour Shine”.
Les CGU de Shine sont celles d’un établissement financier : elles font 92 pages ! Mais avec une designer, nous avons cherché comment les rendre plus accessibles et lisibles.
En terme de sécurité et de conformité juridique, nous avons été accompagnés par le cabinet d’avocats Bold.

 “Avec les Conditions Générales d’Utilisation (CGU), on a toujours l’impression de signer quelque chose contre soi”.

Nicolas Reboud, Co-founder & CEO @Shine
Marie-Agnès : Concrètement, comment avez-vous réussi à rendre les CGU plus attractives ?

Estelle : Nous avons opté pour l’insertion d’un encart explicatif clair et concis sous chaque section de nos conditions générales d’utilisation. 
Nous avons essayé de ne pas utiliser de jargon et d’employer des mots simples et compréhensibles par tous.
Au plan graphique, nous avons fait ressortir les encarts avec un cadre de couleur pour faciliter la lecture rapide. Les encarts sont également reconnaissables grâce à des petites lunettes qui aident à y voir plus clair.

exemple d'un contrat réalisé en legal design
Exemple d’encart explicatif extrait des CGU de Shine
Marie-Agnès : Le contenu de ces encadrés a t-il une valeur contractuelle ?

Estelle : Non, nous avons écrit les encadrés pour faciliter la lecture de nos CGU, mais ils n’en font pas partie juridiquement parlant. Cela est précisé au tout début des CGU :

legal design et valeur contractuelle des encarts insérés dans des CGU
Marie-Agnès : Comment être certain que la simplification ne dénature par les CGU ? Avez-vous mis en place un contrôle qualité ? 

Estelle : La relecture du cabinet d’avocats Bold a été précieuse pour nous assurer que les encarts ne traduisaient pas nos CGU “de travers”.

Marie-Agnès : As-tu rencontré des difficultés dans la mise en place de ce projet ?

Estelle : Pour pouvoir proposer des services de paiement, Shine travaille en partenariat avec Treezor, un établissement de monnaie électronique. Une partie des CGU dépend de Treezor et il ne nous était donc pas possible de proposer une version explicative de cette partie.

Marie-Agnès : Proposer des CGU plus claires et plus compréhensible suppose temps et argent. Pour Shine, quel est le retour sur investissement d’une telle démarche ?

Estelle : Je pense que c’est difficile à calculer, mais cela fait partie d’une démarche plus large qui nous tient à cœur : apporter plus de transparence à nos clients et faire évoluer le monde bancaire, qui peut être parfois un peu rigide. Même si cela prend du temps et des ressources, c’est cohérent avec notre vision.
Nous continuons de travailler à raccourcir nos CGU et à les simplifier. C’est un exercice assez long et complexe, car les conséquences sont toujours difficiles à évaluer”.

Les CGU de Shine sont accessibles ici : https://www.shine.fr/cgu

Legal design canva : mise à disposition d’un outil méthodologique

Legal design canva :
un outil pour repenser le parcours des utilisateurs de droit


Le legal design canva est un outil méthodologique pour innover en équipe et vous aider à repenser ou à améliorer le parcours de vos utilisateurs de droit.

Il a été conçu par l’agence Legal by Design afin de faciliter la mise en application des principes du design thinking à la matière juridique.


L’outil, librement utilisable, est mis à la disposition de toutes les équipes intéressées.


Vision globale de l’outil “legal design canva”

Vision globale du legal design canva

Télécharger gratuitement un legal design canva réutilisable


Le legal design canva expliqué pas à pas

Phase 1 :
Comprendre les utilisateurs

Outil 1.1 : Persona (ou utilisateur type)

Un outil pour mieux comprendre l'utilisateur de droit

> Etape de diagnostic
> Identifier / définir finement sa cible

Un persona est un personnage semi-fictif représentant un ensemble de personnes qui partagent la même problématique par rapport à document, un service juridique, un programme de mise en conformité.

Outil 1.2 : Guide de conversation recherche utilisateur

Outil guide de recherche utilisateur

Un outil pour :

> Suivre et retranscrire les étapes-clés du parcours de l’utilisateur

> Synthétiser les problèmes.

Phase 2 :
Cadrer le problème que l’on cherche à résoudre et générer des idées de solutions

Outil : “Comment pourrions-nous”

Outil pour identifier la bonne question à résoudre

Un outil pour :

> Accompagner la génération des idées de solutions .

Phase 3 :
Expérimenter des solutions pour répondre au problème

Outil : “prioriser des idées de solutions”

Outil pour prioriser des idées de solutions

Outil permettant de formaliser puis de prioriser les idées de solutions générées lors de la séance de brainstorming.


Legal design canva : vision globale de l’outil

Vision globale du legal design canva
clegal_design

Le legal design : une posture d’ouverture pour ré-imaginer les services juridiques

clegal_design
Legal Design

Temps de lecture : 7’30 – Marie-Agnès Fages, 20 juillet 2020


Pourquoi le legal design ?

Pourquoi les professionnels du droit devraient-ils s’intéresser au legal design ? 
Le monde du droit et de la justice vit de nombreux bouleversements…

Juristes, avocats, notaires, magistrats sont confrontés aux phénomènes suivants : 

  • la complexification du droit : des règles toujours plus nombreuses et parfois même, contradictoires. 
  • impact du numérique sur les métiers du droit : les avocats seront-ils, dans un futur plus ou moins proche, remplacés par des robots ? La justice sera-t-elle algorithmique ?
  • une forte augmentation de la demande en conseil juridique
  • l’obligation faite aux professionnels du droit de faire toujours plus avec toujours moins.

Dans un monde si changeant et si bousculé, comment s’adapter aux mutations à l’œuvre et répondre au mieux aux besoins des clients et des justiciables ?

Depuis de nombreuses années, le design thinking est utilisé avec succès dans le monde entier, dans tous les secteurs imaginables, pour stimuler l’innovation et améliorer les produits et services.

Le droit est, jusqu’ici, resté un peu à l’écart de cette influence. Dans un contexte de profonds bouleversements, l’industrie juridique commence néanmoins à s’intéresser au legal design.

Qu’est-ce que le legal design et quels sont les bénéficies liés à son utilisation ?


Qu’est ce que le legal design ?

Une méthode d’innovation, celle du design thinking, utilisée sur la matière juridique.

Démocratisé par l’agence américaine IDEO dans les années 1990, le design thinking s’inspire de la pensée et des méthodes des designers pour permettre à des équipes multidisciplinaires d’innover en mettant en correspondance la désirabilité des utilisateurs, la faisabilité technique et la viabilité économique. 
Le design thinking s’appuie sur trois concepts fondamentaux :

  • l’humain au centre de toute réflexion ;
  • l’intelligence collective ;
  • l’expérimentation.

L’utilisation de la méthodologie du design thinking sur la matière juridique a en premier lieu été explorée aux Etats-Unis.  Le legal design a été théorisé en 2014 par Margaret Hagan de l’Université de Standford.
La discipline est encore émergente et sa définition n’est pas encore tout à fait stabilisée. 

The Legal Design Alliance définit le legal design comme une approche pluridisciplinaire et anthropocentrique permettant de prévenir ou résoudre des problèmes juridiques.

« Le legal design est une approche globale qui combine l’expertise des juristes et des designers en transférant les schémas de pensée de ces derniers sur des questions juridiques [ ].

Astrid Kolmeier (avocate et consultante en legal design basée à Munich)

On le perçoit au travers de ces définitions,
le legal design ne se réduit pas à une simple
mise en image de l’information juridique. 

Proposer une visualisation de l’infor-mation juridique peut être extrêmement efficace mais n’est pas toujours la solution la plus adaptée pour aider l’utilisateur de droit à mieux s’approprier la matière juridique.

La première démarche consiste donc
à s’interroger (via la méthodologie
du design thinking) sur les besoins de l’utilisateur.
Qui est-il ? Comment vit-il l’expérience juridique proposée ? Quels problèmes rencontre-t-il ? Quels sont ses besoins sous-jacents ?


Que permet le legal design ?

Le legal design permet de découvrir des solutions nouvelles en s’appuyant sur l’intelligence collective du groupe et sa créativité. 
La méthodologie est utilisable à plusieurs niveaux. 

Elle permet de repenser, au regard de l’objectif d’intelligibilité du droit :
• une note, un contrat ;
• un service, une prestation ;
• une organisation ;
• et pourquoi pas, un système dans son entier.


À quoi ressemble en pratique une approche de legal design ?

L’exemple d’un cabinet d’avocats souhaite vérifier que le modèle de convention d’honoraires qu’il utilise est adapté à sa clientèle.

Imaginons un cabinet d’avocat spécialisé en droit de la famille qui utilise le modèle de convention d’honoraires mis à sa disposition sur le site du Conseil National des Barreaux. Le cabinet souhaite vérifier que le document est adapté à sa clientèle.
Il réalise, en premier lieu, une enquête utilisateur.

Modalités de l’enquête utilisateur
Date du testNovembre 2019
Document testé modèle de convention d’honoraires en
matière de divorce par consentement mutuel (modèle CNB)
Nombre de personnes interrogées10 personnes
Durée de l’entretien30 min
Tranche d’âge des participants35-55 ans
CSP et niveau d’éducation des participantstrès variés
Méthodeentretiens filmés non dirigés
Question poséeQue pensez-vous du document ?
Résultats de l’enquête utilisateur 
L’enquête utilisateur révèle que les clients ont souvent le sentiment que l’avocat pourrait les filouter car ils ne peuvent pas réellement jauger du temps qui sera nécessaire pour traiter leur affaire.
C’est donc avec une certaine défiance que les clients prennent connaissance de la convention d’honoraires.
Quant au document lui-même, 50 % des personnes interrogées le trouvent excessivement long et difficile à lire tandis que 25 % le trouvent concis.
Toutes les personnes interrogées buttent sur des termes tels que : « débours » et « assurance de protection juridique ».
Par ailleurs, certaines personnes font remarquer que l’honoraire est indiqué hors TVA, alors qu’un prix global serait plus utile.

Sur la base de cette enquête utilisateur, l’équipe pluridisciplinaire composée d’avocats et de designers synthétise le problème à résoudre de la manière suivante : comment pourrions-nous améliorer le lien de confiance au travers de la convention d’honoraires ? 

L’objectif étant, in fine, d’améliorer l’image de marque du cabinet, de fidéliser la clientèle et d’essayer de faire des honoraires un sujet moins sensible.
Lors d’une séance de créativité, l’équipe est invitée à générer le plus grand nombre d’idées de solutions au problème posé. Les idées les plus « étranges » ou radicalement différentes sont encouragées. 
Après une séance de vote destinée à prioriser les idées, l’équipe réalise un premier prototype. 
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Ici, l’équipe décide de réaliser un résumé de la convention d’honoraire en utilisant la technique du « langage juridique clair ». 
_

Ce afin de répondre à deux des difficultés rencontrées par les utilisateurs :
• inintelligibilité de certains termes contenus dans la convention d’honoraires (débours », « assurance de protection juridique ») ;
• longueur rebutante du document.

D’après une étude menée par la Commission européenne en 2016, des conditions générales de ventes raccourcies et simplifiées sont considérées comme plus fiables et sont mieux perçues.
Le langage juridique clair est donc également utilisé dans l’objectif d’améliorer la perception que les clients pourront avoir de la convention d’honoraires.
Une fois le résumé en langage clair réalisé, ce prototype est au plus vite testé auprès des utilisateurs. L’objectif étant d’être le plus possible connecté au terrain et aux utilisateurs et de rester dans une logique d’amélioration continue.

Synthèse des travaux réalisés sur la convention d’honoraires

Pour s’aider dans la mise en oeuvre de sa démarche de legal design, l’équipe s’appuie sur un outil méthodologique : un legal design canva.
La synthèse figurant ci-dessous des travaux menés sur la convention d’honoraires est extraite du legal design canva.

Legal design Canva
Exemple de CANVA

Pour aller plus loin : découvrez le legal design canva conçu par l’agence Legal by Design  :
https://www.legalbydesign.fr/2020/09/03/legal-design-canva-explique/


Quels sont les objectifs du legal design ?

Mieux comprendre le contexte et les besoins des personnes qui interagissent avec le droit et créer des améliorations et des innovations basées sur ces connaissances.

Lorsqu’ils rédigent leurs contrats, conclusions, notes, les professionnels du droit le font généralement en fonction des critères d’excellence fixés par leur profession : travail sur mesure, rigueur du raisonnement, exactitude et précision des termes. Curieusement, peu de professionnels se posent la question de savoir si l’utilisateur a bien compris l’information, s’il a pu s’en approprier rapidement le contenu, ou si l’information donnée était adaptée à son besoin.

Le legal design vise à rendre l’utilisateur de droit plus autonome et plus à même de contrôler la complexité de ses affaires juridiques. Il vise également à aider le professionnel du droit à mieux pratiquer le droit et à servir ses clients de manière plus adaptée et plus efficace.


Les outils du legal design

Le legal design utilise de nombreux outils pour parvenir aux objectifs précités. Sans que cela ne soit exhaustif :

Langage juridique clair


« Le langage clair, c’est parler pour que tout le monde nous comprenne et non pas utiliser un langage et des termes hermétiques qui ne sont connus que des initiés du droit. C’est aussi une marque de respect envers les citoyens et les clients qui doivent utiliser le système de justice.

(Barreau du Québec « Le langage clair : un outil indispensable à l’avocat », Barreau du Québec, 2010, p. 8).

Le langage juridique clair
est utilisé en réponse à la complexité du langage juridique.

Pour en savoir plus :
vidéo de la conférence TED « let’s simplify legal jargon » sous-titrée en français (Alan Siegel)

Graphisme 


Infographies, schémas, logigrammes permettent de visualiser de façon holistique :
• les actions à mener
pour atteindre un objectif
• les options juridiques possibles

Le graphisme est donc une réponse à la complexité des processus.

Référencement


Le référencement (ou SEO pour Search  Engine Optimization)

Le SEO est le processus permettant d’améliorer la visibilité d’un site web dans les résultats des moteurs de recherche, dans l’objectif d’attirer du trafic sans payer pour la publicité.

Une fois la recherche des internautes effectuée, 92% des clics se font sur la première page de résultat des moteurs. Très peu iront chercher au-delà de ces premiers résultats pour trouver l’information recherchée.

Les contenus juridiques de qualité ne sont pas si faciles à trouver sur le web.  Cela est étonnant lorsque l’on sait que les français se tournent prioritaire-ment vers l’information en ligne pour trouver une réponse à leurs questions juridiques. 

Le référencement peut donc s’avérer utile afin d’améliorer l’accessibilité du droit.


Des exemples pour s’inspirer
et aider les utilisateurs de droit à mieux naviguer
dans le système juridique

Exemples de langage clair :

Conseil d'état et langage clair
La justice abandonne le “considérant que”

Depuis le 1er janvier 2019, les juridictions administratives utilisent un nouveau mode de rédaction de leurs décisions afin de les rendre plus compréhensibles à un public plus large, sans rien sacrifier de leur qualité. 
L’adoption de ce nouveau mode de rédaction fait suite à plusieurs années de réflexion et d’expérimentation.
Elle s’est, par exemple, traduite par l’abandon de formule centenaire “considérant que” introduisant les paragraphes.

référencement images de l'article de blog référencement images de l'article de blog 100% 10 Direction juridique de Typeforme simplifie ses conditions de services La compatibilité du lecteur d'écran est activée. Direction juridique de Typeforme simplifie ses conditions de services
Pour des conditions de services plus compréhensibles
Des conditions de services en langage clair

La direction juridique de Typeform, une société spécialisée dans la création de formulaires en ligne, a choisi de présenter ses conditions de services sous 2 formes :
• une version longue (11 pages) incluant le jargon juridique,
• une version non contractuelle en langage clair : 5 pages pour faciliter la vie des utilisateurs et inspirer confiance.

Autres exemple d’outils :

Composition visuelle

Exemple de composition visuelle : infographie mot de passe

Une infographie pour voir en un clin d’oeil
les 3 principales étapes permettant d’améliorer la gestion de ses mots de passe.

Podcast juridique

Dans un monde saturé d’images, le podcast rencontre un succès grandissant. L’exemple du podcast juridique du cabinet Barhtélémy Avocats.

Formulaire

Formulaire permettant d’exercer en ligne ses droits Informatiques et LibertésLa direction juridique d’un assureur-vie permet à ses clients d’exercer en ligne leurs droits informatique et Libertés.

Pouvoir exercer ses droits Informatique et Libertés en ligne
Une direction juridique permet à ses clients d’exercer en ligne leurs droits

Quels sont les bénéfices du legal design ?

Dans un monde très changeant, le legal design permet aux professionnels du droit de cultiver une posture d’ouverture et de mieux percevoir les évolutions du marché du droit.

Plus de visuels, moins de jargon, plus d’attention portée à l’utilisateur de droit,
les bénéfices du legal design sont nombreux :
> meilleure perception du professionnel du droit,
> meilleure application de ses recommandations,
> renforcement du lien de confiance avec les clients internes ou externes,
> réduction du risque de contentieux,
> renforcement de la cohésion au sein de l’équipe juridique.


Notes bas de page

Un exercice de legal design