Optimisation des documents juridiques : la nouvelle tendance du legal design.
Temps de lecture : 3’30
Avez-vous déjà coché la case « j’ai lu et j’accepte les conditions générales de vente » sans en avoir lu ne serait-ce que le premier paragraphe ?
Vous êtes-vous déjà senti maladroit ou désarmé au moment de remplir un formulaire administratif jargonneux ?
Les juristes prennent progressivement conscience de l’écart qui existe entre leurs productions (contrats, consultations juridiques) et la manière dont celles-ci sont perçues par les clients, usagers, salariés, citoyens ou apprenants.
Des démarches administratives plus accessibles
Depuis quelques années, des entreprises, mais aussi l’État et les collectivités territoriales, font d’importants efforts pour rendre le droit plus accessible.
L’État est engagé dans une démarche de dématérialisation des services publics. Ce qui l’oblige à repenser les démarches administratives sous l’angle de leur accessibilité au plus grand nombre.
Dans cet exemple de simplification d’un document administratif, la formulation a été repensée afin d’être plus claire et plus concise :
● formulation sous forme de question (« quels documents devez-vous joindre… ») ;
● suppression des mots non indispensables ;
● utilisation d’une liste à puce pour lister les éléments à joindre au formulaire.
Des expériences juridiques plus fluides
Du côté des entreprises, la loi exige de certains acteurs (assureurs, banquiers) qu’ils mettent à disposition de leurs clients des documents juridiques normalisés.
D’autres acteurs se sont engagés dans la refonte de leurs documents et services juridiques pour des raisons tenant à leurs valeurs ou à leurs stratégies.
Des documents juridiques normalisés
Depuis le 1er octobre 2018, lorsque vous souscrivez un produit d’assurance auto, habitation ou une complémentaire santé, l’assureur doit obligatoirement vous remettre un document standardisé contenant des informations clés relatives aux principales garanties du contrat, dans un langage simple sans « jargon ».
L’objectif est de vous permettre de mieux comprendre le produit et de le comparer plus facilement à d’autres.
Le document ne remplace pas les conditions générales et les conditions particulières, personnalisées, du contrat d’assurance. Mais il est bien plus facile d’accès :
L’expérience client au coeur de la stratégie de certains acteurs
Certaines entreprises ont pour souhait de rendre l’expérience client la plus agréable possible et ce y compris sur la partie contractuelle.
Prenons un exemple : vous naviguez sur un service en ligne. Le design est épuré, le ton agréable. Mais au moment de prendre connaissance du contrat, le style change radicalement. Un pavé textuel s’abat sur vous. L’impression de simplicité et de fluidité disparaît. Vous vous retrouvez seul devant un texte long et difficile à comprendre. Vous cliquez au plus vite la case « j’ai lu et j’ai compris » mais avec la désagréable impression d’avoir signé quelque chose contre vous.Pinterest, le site web américain de réseautage et de partage de photographies, a inscrit ses « règles et consignes » dans l’univers visuel de sa marque.
Puis il a ensuite revu le contenu de ces différentes règles sous l’angle du legal design. Si vous allez consulter le site, vous remarquerez la présence de :
● mise en page épurée
● ton chaleureux
● encart résumant les articles
● table des matières fixe et cliquable :
D’autres acteurs se sont engagés dans une démarche similaire afin de
● restaurer la confiance avec les clients,
● être plus transparents,
● simplifier la vie du lecteur, lui faire gagner du temps
● être plus pédagogue
● être plus utile
● construire une relation plus saine et équilibrée
● répondre à l’aspiration à plus de clarté et d’éthique.
La promesse du legal design ?
Aider les utilisateurs à s’approprier des notions juridiques complexes et
à faire des choix éclairés.
Le legal design diminue l’effort cognitif nécessaire pour appréhender et se saisir d’une information juridique souvent complexe.
Comment faire ?
● s’appuyer sur une connaissance fine des besoins des utilisateurs (enquêtes, entretiens)
● donner une idée globale de l’information avant d’entrer dans les détails
● éliminer le jargon et les tournures passives
● inscrire le conseil juridique dans un contexte concret. Aider le passage à l’action
(remplir un formulaire, réaliser une démarche auprès d’un tribunal…)
● rendre l’information plus visuelle (car la vue l’emporte sur tous les autres sens)
● tester le document auprès d’un panel d’utilisateurs.
En conclusion…
Un nouveau métier est né : celui de legal designer. Son objectif ? Rendre le droit plus clair en s’appuyant sur des équipes pluridisciplinaires capables d’apporter :
● expertise juridique
● centrage utilisateur
● art graphique.
Juristes et designers doivent désormais apprendre à se connaître davantage afin de créer ensemble des documents et des services juridiques fluides, ergonomiques, au plus près des besoins des utilisateurs.
Cela n’est pas évident tant les cultures professionnelles de ces deux mondes sont différentes.
Pour les designers, les juristes sont des êtres très formels qui se vouvoient, s’appellent « Maîtres » et peuvent passer des heures à argumenter sur la présence ou l’absence d’une virgule à tel endroit du texte.
Pour les juristes, les designers sont des êtres un peu inquiétants : capables de supprimer d’un trait de crayon des éléments contractuels primordiaux au motif que cela est ennuyeux à lire !
Mais c’est bien de ce choc de cultures professionnelles que devraient naître les services juridiques de demain.
Ceux-ci seront, nous l’espérons, complets, pédagogiques, rigoureux. Mais aussi chaleureux, agréables et tenant compte de nos préférences cognitives.
Rêvons à demain !